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Le travail d’Hadrien Bruaux est en quelque sorte un dialogue continu dans lequel se confrontent des cultures et des époques par association d’objets, d’images et d’idées. Les œuvres convoquent des notions très plurielles, qui invitent le spectateur à créer son cheminement d’idées et à réinventer le potentiel narratif des œuvres en fonction de leurs dialectiques.
L’artiste nous dit avoir toujours récupéré ce qui traîne autour de lui, et ce geste de collecte est déjà un élément constitutif de son travail. Celui-ci est bien souvent composé de rebuts, de déchets ou d’autres vestiges laissés-pour-compte.
Avec ces différents éléments, l’artiste crée de nouvelles œuvres où se retrouvent combinés tous ces fragments qui sont, en eux-mêmes, des micro-histoires et renvoient à une multiplicité de temps et de réalités.
Le déchet n’est pas l’histoire officielle, c’est ce qu’il reste ; d’une certaine façon, le travail d’Hadrien nous livre une histoire du point de vue des vaincus. Dans une forme fictionnelle, il crée de nouveaux récits à travers les ruines qu’il trouve.
Ces œuvres semblent conjuguer les temps et nous renvoyer à un réel complexe et composé d’une multitude d’éléments autant passés que contemporains.
Hadrien Bruaux vient de la peinture et son travail a hérité des questionnements liés à cette discipline. Son travail est pluriel, l’artiste utilise une grande diversité de médiums, créant un ensemble d’œuvres parfois dissonantes, produisant ainsi des chocs surprenants au travers de multiples langages et de modes de perception possibles. L’artiste nous dit penser toutes ces pièces comme étant différentes parties d’un même organisme et dont l’écho varie selon leur agencement.
À l’encontre d’un discours total et fini, Hadrien Bruaux nous propose une expérience au-delà du langage qui génère une multitude de questions renvoyant à des systèmes non-établis et trouvant le plus souvent des indices de réponses dans l’intuitif, l’imprévu ou l’insolite.

 

 
 
 
 
 
My work is a speculation. I try to baffle things, to dislodge codes, to design new proofs. My starting point is in painting and my way of looking at things is imbued with it. My work is pervaded by the questionings inherited from that discipline and touches upon images in the literal and figurative sense. I ask myself what the image is: its status and its materiality, what we do with it but also what it does with us. Images cannot do without certain problematics such as representation or perception. The former often impedes its autonomy and the latter refers to considerations on truth and reality, and especially to the importance of the gazer. My research is akin to the story of the man who broke a piece of chalk in two in an attempt to understand more about it and was surprised to find himself facing tow questions rather than one answer.
One of the stages of my work consists in gathering objects, images and fragments of all types, often residues that have been jettisoned: the choice doesn’t meet specific criteria but it is an actual encounter. As they are the objects have lost their primary use. They have become a raw material on which I operate directly or indirectly in order to reshape it and to include it in another signifying structure. I see my gesture as a mise an abyme. The intervention on the various elements isn’t a uniform one: it depends on the collection. It tends to give the object another readability, by moving it away from its practical use; its plasticity can be revealed when it is deconstructed, broken or only partially present, By stating that things disappear in their use, Heidegger suggests that they become things again when they refuse to be used. So the broken tool will only reveal itself when it becomes free of its functional connection. When I discover an object or a fragment, it appears to me through that discrepancy.
Through the elements chosen I try to create new narratives, mobile narrations. The objects do not aim to evoke the past but to conjugate times and tenses.
The introduction of a discrepancy in the established, familiar codes intrinsic to the object evinces a sense of the uncanny in the gazer who tries to catch it. This ludic relation to established codes aims to leave doubt indefinitely unresolved. The desire to communicate a form of alterity to the object presented paradoxically makes it possible to make things more visible. I endeavour first of all to propose an experience to the audience, to plunge them into a state that is conducive to contemplation and to questioning, that singular state of art in which they lose their footing. My interest in the audience leads me to be vigilant and to avoid producing hermetic work, to eschew a tautological art, one that would only talk about itself.
It is vital for me to be many-sided. By taking care no to adopt the same device over and over again I force myself to conduct constant research aiming to diversify mediums and supports. Producing heterogeneous work I attach considerable importance to the impact of an installation of those diverse plastic researches and to their confrontation in space. This is the way in which I give meaning to my objects and allow the narration to take place. Through the dialectics between the works I see to it that more meaning emerge. Thus all my pieces are conceived as different parts of one and the same organism whose echoes vary as they are configured.                                                                       
 
                                                                                                                                                                                                                                      
 

Mon travail est une spéculation. Je cherche à amener les choses à côté d’elles-mêmes, à déloger les codes, à construire de nouvelles preuves. Je viens de la peinture et mon regard est teinté par elle. Mon travail est empreint des questionnements hérités de cette discipline et touche à l’image dans son sens littéral comme figuré. Je m’interroge sur ce qu’est l’image dans son statut comme dans sa matérialité, sur ce que nous faisons d’elle mais aussi ce qu’elle fait de nous. L’image ne peut faire l’économie de certaines problématiques telles que la représentation ou la perception. Cette première souvent empêche son autonomie et la deuxième renvoie aux discussions du vrai et du réel mais, surtout, nous amène à l’importance du regardeur. Mes recherches sont à l’instar de l’homme qui cassa une craie en deux pour essayer de comprendre d’avantage et eut la surprise de se retrouver face à deux questions plutôt qu’une réponse.

Une des étapes de mon travail consiste à recueillir objets, images, et fragments de tous genres, des résidus souvent abandonnés, dont le choix ne répond pas à des critères spécifiques mais est de l’ordre de la rencontre. En l’état, ces objets ont perdu leur usage premier. Ils deviennent alors matière brute sur laquelle j’interviens directement ou indirectement afin de la remodeler, et de la réinscrire dans une structure signifiante. Mon geste, je le vois comme une mise en abyme. Aussi, l’intervention opérée sur chaque élément n’est pas uniforme, mais dépend de la collecte. Elle tend à donner à l’élément une autre lisibilité, en l’éloignant de son usage pratique ; sa plasticité peut d’ailleurs se révéler lorsqu’il est déconstruit, cassé ou partiellement présent. Heidegger, en affirmant que les choses disparaissent dans leur usage, insinue qu’elles se refusent à l’usage et redeviennent chose. Ainsi, l’outil cassé ne se dévoilera qu’en se libérant de son rapport fonctionnel. Lorsque je découvre un objet ou un fragment, c’est par ce décalage qu’il m’apparaît.
A travers ces éléments choisis, je tente de créer de nouveaux récits, des narrations mouvantes. Les objets n’ont pas pour but d’évoquer le passé mais de conjuguer les temps. L’introduction d’un décalage dans les codes établis et familiers intrinsèques à l’objet, provoque une étrangeté chez le regardeur qui essaie de le saisir. Ce rapport ludique au code établi a pour but de laisser le doute toujours en suspens. La volonté de communiquer un caractère d’altérité à l’objet présenté, paradoxalement, permet de rendre les choses plus visibles. Je cherche donc tout d’abord à proposer une expérience au public, à le plonger dans un état propice à la contemplation et au questionnement, cet état singulier de l’art où il perd pied. Mon intérêt pour le public me pousse à être vigilant et à ne pas produire un travail artistique hermétique, évitant un art tautologique, qui ne parlerait que de lui-même.
Il est vital pour moi d’être pluriel. En prenant garde de ne pas adopter toujours un même procédé, je m’oblige à une recherche constante afin de diversifier les médiums et les supports. Produisant un travail hétérogène, j’accorde une grande importance à l’impact provoqué par l’installation de ces différentes recherches plastiques et à leur confrontation dans l’espace. C’est par ce biais que je donne sens à mes objets et permets à la narration de prendre place. C’est par la dialectique des œuvres entre elles que je fais émerger davantage de sens. Ainsi, toutes mes pièces sont pensées comme différentes parties d’un même organisme dont l’écho varie selon leur agencement.

                                                                                                                                                                                                                                  
 

Imaginez que l’empereur ait mis de nouveaux vêtements mais tout le monde pensait qu’il était nu. D’une certaine manière, cela décrit l’effet principal du travail d’Hadrien Bruaux. Né en Belgique en 1991, l’artiste travaille essentiellement sur papier. Il gribouille et fait des dessins, des collages et, de préférence, conjure un acte de disparition inversée. Il n’est en aucune façon un illusionniste, il n’y a aucun de tour de magie ici. A l’inverse, il explore la nature même de l’apparence – et réciproquement sa contrepartie. En substance, son travail amplifie cette présence particulière qui résonne lorsque quelque chose est supprimé. Il chérit les traces que les images laissent derrière nous, autant dans notre esprit que physiquement dans le monde              

                                                                                                Tenzing Barshee

Imagine the emperor put on new clothes but everyone thought he was naked. In a way, this describes the main effect of Hadrien Bruaux’s work. Born in Belgium in 1991, the artist predominantly works on paper. He scribbles and makes drawings, collages, and, preferably, conjures a reversed disappearance act. He is by no means an illusionist, there are no magic tricks here. Instead, he explores the sheer nature of appearance—and vice versa its counterpart. In essence, his work amplifies that particular presence that reverberates when something is removed. It cherishes the traces that images leave behind, either in our mind or physically in the world.

                                                                                                      Tenzing Barshee

 

 

Hadrien Bruaux soulève quant à lui la question fondamentale de l’identité en travaillant le motif du portrait, terme qui, selon ses propres dires, est tout sauf adapté à la notion de la figure. Il parle donc d’effigie. Par l’utilisation simultanée de la photographie, de l’intervention sur document photographique et livresque, de la gravure sur métal et du dessin sur papier et d’une multitude d’autres supports. Il interroge inlassablement ce qui fait de nous une présence, tout en la traitant comme une absence. La multitude des propositions visuelles de ce travailleur acharné et obsessif sont autant de facettes qu’il existe de possibles en chacun de nous

                                                                              Stephan Balleux

Hadrien Bruaux on his part raises the fundamental question of identity by working on the motif of the portrait, a term which by his own admission is anything but adapted to the notion of the figure. He therefore calls it effigy. By simultaneously using photographs, interventions on photographic and book documents, metal engraving and drawing on paper, and a multitude of other supports, he tirelessly questions what makes of us a presence, while treating it as an absence. This relentless, obsessive worker’s myriad visual proposals are as many facets as there are potentials in all of us.

                                                                                                                                                                            Stephan Balleux

On se rencontre toujours à regarder d’autres visages. On se raconte toujours des histoires à regarder quiconque. Serait-ce que figure et fiction s’enracinent au même pied ? En effet. Parfois d’un visage ne se retient qu’une tache, à la manière d’une larme jamais versée. Ou alors s’attarde, à peine une trace, une esquive dont rend compte une couleur, échappée, effilochée. Encore, elle demeure. Indéniablement, il y a dans les œuvres d’Hadrien Bruaux l’effort répété et entêté à représenter la figure humaine. On pourrait définir, cadrer beaucoup de ses œuvres dans un genre, la peinture de portrait ; une peinture figurative dit-on. La figura, chose façonnée à la main pense la langue latine. De la figure des autres, de la nature des choses, comment on les voit. De rerum natura. Chez Lucrèce, figura est un synonyme de forma, et parfois pas. Elle est cette parcelle qui se détache et volette d’un objet. Elle vient à nous, c’est l’image. Aussi bien un simulacre qu’ un fantôme. Signe envolé d’une présence qui n’est plus, brouillée de souvenirs, d’attentes déçues ? Je vois dans la peinture d’Hadrien Bruaux une détermination, un courage à regarder en face les autres. Je vois de la bonté dans cette peinture, qui n’a jamais la cruauté de dévisager. A pleines mains, il laisse beaucoup aux visages du monde, donne aux traits une liberté neuve. Autrement et simplement, Hadrien Bruaux peint ses semblables comme des œuvres uniques.                                                       

                                                                           Claire Ponceau